Religiologiques
Vol. 23 (2001): 352-354.
Mervin Sabrina, 2000, Histoire de
l'islam: Doctrines et fondements, Manchecourt, Flammarion.
Dans ce livre Sabrina Mervin nous introduit d'une
manière concise à l'histoire des doctrines de l'islâm. Elle brosse en dix
chapitres les grandes articulations de la religion musulmane. Dans le premier
chapitre, elle nous explique l'avènement de l'islâm dans le monde arabe. Elle
décrit les facteurs qui ont facilité la transition à l'adhésion de cette
religion prônant un monothéisme semblable à celui révélé par Abraham. C'est une
période complexe et à la fois tourmentée. Le prophète Muhammad commençait à
prendre conscience de son rôle de messager divin par rapport à la religion
qu'il doit instaurer. Islâm n'est pas une nouvelle religion mais elle est dans
la continuité du judaïsme et du christianisme. Il vient restaurer le message
d'Allâh dans la péninsule arabe, mais aussi pour le reste du monde. Muhammad
devient le grand réformateur social et un dirigeant qui avait unifier les
divers tribus et les territoires disséminés dans la péninsule arabe en un État
où une forme de solidarité commençait à naître.
Dans le second chapitre, l'auteure
décrit l'élaboration de la vulgate qur'ânique. Les différentes étapes qui ont
permis le classement, la collection et l'interprétation sont abordées
succinctement. Cela a pris presque deux siècles avant d'avoir le Qur'ân sous sa
forme actuelle vocalisée.
La vie du prophète Muhammad est
couverte dans le troisième chapitre. Les maximes (ahâdîth) et la biographie (sîra)
ont été dès le début de l'islâm une préoccupation des musulmans et ces
documents nous décrivent ses pensées et sa vie depuis son enfance jusqu'à sa
mort en 632. Les us et coutumes (sunna)
ont été classés et codifiés pour transmettre aux générations suivantes les
attitudes exemplaires du prophète comme un model pour le croyant qui veut
plaire à Dieu. Toutes ces informations deviennent le terreau sur lequel le proto-sunnisme
prendre racine.
Très vite, la société musulmane
commençait à prendre une certaine structure et il fallait nécessairement
établir un système de droit sacré qui inclurait à la fois la loi divine (sharî`a) et le droit islamique (fiqh). Ces normes sociales établissent
les limites pour le croyant entre ce qui est licite (halâl) et illicite (harâm).
Le quatrième chapitre couvre ces éléments qui régissent les activités humaines.
Dans le cinquième chapitre, nous
fait découvrir la démarche intellectuelle des grands penseurs qui se sont
penchés sur l'étude des sciences divines. Dans ce foisonnement intellectuel, la
théologie (kalâm) et de la
philosophie hellénistique de l'islâm (falasafa)
commencent à devenir des disciplines à part entière. Leur but initial était de
comprendre la religion et le Dessein divin vis-à-vis de sa création.
L'élaboration du kalâm permettra de clarifier les différentes doctrines et
préceptes de religion qui ont été révélés dans le Qur'ân.
L'islâm s'exprime au pluriel et dans
le sixième chapitre l'auteure aborde la délicate question de l'héritage
politique et spirituelle du prophète. Cette ramification en différentes
branches (sunnites, khârajites, zaydîtes, shî`ites duodécimains et ismaéliens)
s'organise peu temps après la mort du prophète. Cette pluralité s'exprime par
l'allégeance aux successeurs à travers sa fille Fâtima ou des proches
compagnons du prophète qui ont lutté pour la cause de l'islâm. Ce chapitre est
parfois imprécis car les recherches récentes sur divers groupes citées dans la
bibliographie n'ont pas été consultées comme il faut.
Le chapitre sept est consacré
exclusivement au shî`isme duodécimain. C'est la deuxième branche de l'islâm
après le sunnisme. L'élaboration des doctrines shî`ites était lente mais elle
commença à prendre forme et à se structurer par l'Imâm Ja`far al-Sâdiq (m. 765)
et ses successeurs. L'auteure décrit la notion d'Imâm occulté (gayb) et la notion messianique du Mahdi
qui reviendra à la fin des temps pour faire la justice sur terre et dans le monde
spirituel.
Le sûfisme fleurit tout au long de
l'histoire du monde musulman, l'auteure ne nous dit pas que cette mystique
musulmane trouvait leur origine directement soit dans le Qur'ân, dans les
doctrines shî`ites ou à travers diverses influences extérieures (juives,
chrétiennes, bouddhiques, etc.). Le huitième chapitre fait une esquisse de
cette aventure amoureuse du croyant en quête de sa nature réelle et de son
Créateur.
Les deux prochains chapitres neuf et
dix couvrent les courants réformistes modernes. Dans ces chapitres on remarque
rapidement que les musulmans n'étaient passifs durant cette période tumultueuse
et ils ont formé une résistance contre l'impérialisme européen. Ces courants
modernes se poursuivent toujours actuellement visant à mettre les formes
extérieures de la religion ainsi que les institutions au diapason du temps
moderne. Les musulmans ont toujours eu le souci de préserver cet équilibre
fragile entre la vie matérielle et vie spirituelle, tout en mettant l'accent
sur l'intellect (`aql) au profit de
leur foi (imân).
Cet ouvrage est une bonne
introduction à l'islâm, une religion encore méconnue du grand public. L'auteure
suit un ordre chronologique des événements historiques ce qui facilite la
lecture. Trois glossaires critiques sont annexés, comme celui des mots et des
thèmes, acteurs et institutions et finalement des lieux sacrées de l'islâm.
Comme prime une chronologie, une bibliographie et un index guident le lecteur
dans le parcours sinueux de l'islâm.
La seule lacune du livre est l'absence
d'un chapitre sur la philosophie islamique. C'est dommage car la philosophie a
occupé et occupe une place prépondérante dans l'islâm, nous trouvons par contre
une petite notice dans la glossaire sous la rubrique falasafa. Pour
combler cette lacune, les lecteurs devront consulter l'excellent livre de Henry
Corbin sur l'histoire de la philosophie islamique.
Diane Steigerwald
Religious Studies,
California State University (Long Beach)
http://www.unites.uqam.ca/religiologiques/no23/23recension.html