Religiologiques
Vol. 22 (2000): 257-259.
Majella
Franzmann, 2000, Women and Religion,
Oxford, Oxford University.
Majella Franzmann dans le premier chapitre de son livre, intitulé : Women and Religion, brosse un tableau de
son approche. Le second chapitre décrit le langage religieux utilisé à propos
des femmes. Le troisième commente l'expérience religieuse des femmes placées en
marge de la société. Le quatrième propose une relecture des textes sacrés en se
centrant sur la femme afin de l'écouter et de découvrir sa spiritualité. Le
cinquième chapitre illustre la complexité du sujet causée par la diversité des
points de vue des femmes.
L'auteure propose une nouvelle approche, inspirée
de l’herméneutique, pour étudier le rôle et l'implication des femmes dans les
religions. Elle cherche à considérer les femmes comme des sujets et non des
objets. Il faut écouter différemment l’expérience des femmes pour qu'elles
deviennent des sujets parlants. Certains chercheurs confrontent des difficultés
en approchant des textes religieux écrits par des hommes pour des hommes où les
femmes étaient souvent rJduites B un r^le passif et secondaire dans l'élaboration
du récit. Les femmes vivent souvent leur vie spirituelle en marge de la sphère
normative religieuse contrôlée par les hommes. Il faut donc essayer de
comprendre les vies spirituelles alternatives des femmes qui se sont épanouies
en dehors des sentiers battus. Lorsqu’elles peuvent s’exprimer dans leur espace
religieux, un monde entièrement nouveau se manifeste (pp. 2-3).
Majella Franzmann analyse
quelques thèmes majeurs (le langage religieux à propos des femmes, l'absence de
documents sacrés rédigés par des femmes, etc.) à travers différentes traditions
et cultures (p. 3). Pour étudier les femmes, l’auteure adopte l’approche
herméneutique pour situer la position du sujet afin de comprendre à la fois le
phénomène et sa signification dans son milieu. L’engagement dans la
compréhension du phénomène doit être un processus continuel et ne doit pas
s'arrêter B une réponse définitive. L’écoute doit prendre
une place prépondérante ainsi que l’analyse et le jugement de la personne qui
étudie le phénomène (p. 18). L'approche herméneutique de l'auteure se déroule
en quatre étapes : i) décrire le phénomène dans son milieu, ii) situer sa
propre position, iii) comprendre le phénomène et iv) opter pour une thèse. Ce
processus n’est pas linéaire mais un continuel va-et-vient entre le sujet et le
milieu (p. 21).
Pour situer sa propre
position dans ce processus interprétatif, il faut se poser les questions
suivantes : quelle est mon origine raciale? Quel est mon sexe? Quelle est ma
culture? Quelle est ma position sociale à l’intérieur de ma culture? Pour
développer ses capacités d’écoute, on doit s'adresser ces questions : Quel est
mon rapport à la question de la femme? Suis-je suffisamment ouverte à toutes
les interprétations possibles? Quel rapport j'entretiens avec la religion
lorsque j’écoute ces femmes (p. 52)? La question de l’identité de la femme se
pose. Qu’est-ce qu’une femme? Cette question recoupe aussi les questions
d’identité de la personne humaine. Qui suis-je? Quel est le but de ma vie?
Quelles sont mon origine et ma destinée (p. 53)?
Les groupes religieux et
sociaux ont une profonde influence sur l’identité des différentes couches de la
société. L’attribution de l’identité religieuse aux femmes se fonde le plus
souvent sur l'étiquette déjà attribuée par la société (p. 58). La vie
spirituelle des femmes a généralement été décrite par des autorités masculines
dans les traditions religieuses. Il est évident que ce seul fait a des
implications sur l'exclusion de l’expérience religieuse des femmes. Dès le
départ, on est donc confronté aux questions suivantes : Comment puis-je écouter
et même entendre la voie des femmes placées en marge de la société? Quel
langage est utilisé pour relater l’expérience de ces femmes? Les questions
reliées au langage utilisé dans les sources disponibles sont très cruciales.
Comme il n’existe pratiquement pas de sources primaires écrites par des femmes
relatant leur expérience, il devient difficile d’apprécier à sa juste valeur
leur expérience dans les sources secondaires. Souvent le langage religieux
exclut les expériences religieuses de femmes qui mJritent d’Ltre relatJes. Ce langage religieux véhicule mal
l’expérience religieuse des femmes puisque l’expérience masculine est
considérée comme l'étalon (p. 70).
Il existe un déséquilibre
réel entre la représentation des femmes et celle des hommes dans les textes
sacrés traditionnels. Il suffit de compter le nombre de fois qu’une femme est
écoutée par rapport à un homme. À l'exception de l’épouse, la mère ou les
filles de grands hommes, quelques femmes sont décrites positivement dans les
textes mais celles-ci sont rarissimes. Lorsque l’expérience des femmes est
mentionnée, cette mention sert souvent à clarifier une perception concernant
l’homme et non la femme. Les femmes sont souvent mentionnées pour mettre en
lumière un caractère masculin et parfois à leurs détriments. Les affirmations
des hommes au sujet de la spiritualité féminine servent à consolider leurs
propres perceptions. Les femmes sont souvent vues comme de simples accessoires
au partenaire masculin (pp. 75, 77).
Majella Franzmann cherche à surmonter les
difficultés en proposant une nouvelle interprétation des textes sacrés rJdigJs B une Jpoque où les femmes Jtaient en marge de la société. Elle
cherche à relire le texte en se centrant sur la femme afin de l’écouter et de
découvrir ce qu’elle peut révéler par sa présence même. Il y a souvent des
leçons à tirer en regardant le récit de ce point de vue. Certains tabous
religieux entourant la femme comme l’impureté peuvent avoir un sens positif.
Par exemple le bain rituel dans le judaïsme, imposé aux femmes après la naissance
d’un enfant ou la période de menstruation, est souvent perHu comme un rituel négatif dans le sens
d’une imposition et d’une restriction. Ce rituel a aussi un sens positif, il
permet de développer un véritable sens de la communauté et de la vie des femmes
juives. Ce bain rituel fait partie de la vie religieuse des femmes et a un sens
intérieur et profond (p. 117).
L'interprétation
herméneutique est subjective comme toute exégèse, chaque interprétation est
unique à la personne qui essaie de saisir le message révélé. Personne ne peut
connaître mon histoire, ni peut se tenir à ma place pour percevoir le monde. Il
y a donc une infinité d’interprétations possibles du phénomène. De plus, le
processus d’interprétation n’est jamais clos (p. 151). Le processus implique
que l’on doit relater les faits avec leur signification la plus plausible. On
ne peut s’engager dans la relecture des textes sacrés sans porter de jugement,
sans prendre une position par rapport au texte. C’est pourquoi cet engagement
est un processus subjectif. Lorsqu’on porte un jugement, il faut se demander :
est-ce que mon jugement est bon ou non? Il faut toujours garder une certaine
ouverture d’esprit et être prêt à remettre en question son propre jugement. On
doit s'ouvrir au dialogue et se rapporter à la communauté (à la fois la sienne
et celles des autres communautés) ainsi qu’à la façon d’interpréter et de
juger. Une meilleure compréhension du milieu où se déroule l'événement permet
de porter de bons jugements et de
contribuer positivement à une étude comparée de différentes cultures. Cela
présuppose l'existence d'un lien commun entre les différents êtres humains
rendant possible la comparaison (p. 153).
Ce livre présente une approche intéressante et
fascinante. Mais souvent les exemples donnés à travers différentes traditions
religieuses (hindouisme, bouddhisme, judaïsme, christianisme et islam) ne sont
pas suffisamment étayés; il aurait été préférable que l'auteure consacre plus
temps à développer son argumentation pour mieux cerner les enjeux et la
dynamique de cette approche, ainsi que ses limites.
Diane Steigerwald
St. Thomas University (Fredericton)
http://www.unites.uqam.ca/religiologiques/no22/22recension.html