Studies in Religion / Sciences Religieuses

31: 3-4, 2002: 405-407


© Canadian Corporation for Studies in Religion / Corporation canadienne des Sciences Religieuses

[p. 405]

Recension:

Ben Laden et l’Amérique

Florent Blanc

Paris, Bayard, 2001, 241 p.


Critique: Diane Steigerwald,   Religious Studies Department, California State University (Long Beach)


Il s’agit d’un mémoire soutenu à l’Institut d’études politiques de Grenoble le 12 septembre 2001. L’éditeur a décidé de publier cet ouvrage afin de remettre en perspective cet événement tragique qui suscite à la fois une profonde réflexion et une remise en question de la situation géopolitique où les Etats-Unis ont une suprématie militaire indéfectible grâce à leur immense budget pour la protection interne. De plus les américains imposent une vision monolithique de la démocratie avec une économie foncièrement dépendante de l’énergie fossile.

Ce livre est divisé en sept chapitres, accompagné d’une introduction et d’une conclusion. Certaines affirmations sur l’islam dans l’introduction semblent totalement dépassées ; cette introduction trahit la méconnaissance de l’auteur sur l’histoire et la civilisation musulmane. Certaines erreurs grossières se sont glissées qui initialement n’étaient probablement pas dans son mémoire, sans doute ?

Le premier chapitre (L’Afghanistan en guerre) relate le contexte historique avant l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1980 et les raisons sous-jacentes qui menèrent les Soviétiques à vouloir contrôler cette région riche en gaz naturel et en pétrole du golfe Persique et les pressions américaines désirant déstabiliser les États du sud de l’URSS. Les Soviétiques s’enlisent dans le bourbier afghan où la résistance s’avère plus coriace que prévue. Les accords de paix signés le 14 avril 1988 forcent le retrait du contingent soviétique l’année suivante. Cette guerre fratricide laissera une séquelle indélébile : le bouleversement de l’équilibre fragile du contexte [406] géopolitique et ethnique de la région. Différentes factions disloquent le pays en trois régions ayant comme pôle central les trois grandes villes : Kaboul, Kandahar et Herat. Durant cette guerre, les États-Unis se sont associés à la résistance afghane en leur donnant une aide massive (armes et une formation dans les stratégies militaires) en plus du financement de l’Arabie saoudite. Par ailleurs, la Chine avait décidé de se mettre du côté de la coalition occidentale contre l’invasion soviétique.

Le second chapitre (L’avènement des talibans) trace un portrait de la situation instable après la guerre qui se termina en avril 1992. L’équilibre fragile qui existait entre les différents groupes est rompu et laisse un grand vide qui sera comblé rapidement par des disputes et des guerres civiles sans tenir compte de la pluralité de l’Afghanistan. De plus les pays adjacents (Pakistan, Iran et la Russie) avaient aussi des intérêts spécifiques qui ont modifié inévitablement la situation géopolitique qui prévalait dans le pays. Bien qu’un gouvernement provisoire soit établi, celui-ci échoue à rallier l’ensemble des coalitions en place. Une rupture géographique se dessine, d’une part les nordistes (Tajiks, Ouzbeks et Hazara) — formés par l’alliance des deux chefs : Massoud et Dostom — et d’autre part les sudistes pachtouns formés par l’alliance des deux chefs : Khales et Hekmatyar. L’impasse de cette lutte nord/sud sera la raison de l’entrée soudaine dans ce jeu politico-militaire de nouveaux protagonistes, talibans, qui sont des étudiants en théologie d’origine pachtoune formés dans les madrasas, situés de part et d’autre de la frontière avec le Pakistan (Peshawar). Les ‘ulamâ’ appartiennent à l’école sunnite hanafite et deobandie, prônant une morale et un mode de vie encadré très strict, concurrent au wahhabisme saoudien. Très rapidement le sud de l’Afghanistan tombera sous l’emprise des talibans grâce à l’aide militaire apportée par le Pakistan. Derrière ce soutien, le Pakistan et les États-Unis désiraient la réouverture des routes commerciales d’Asie centrale et le contrôle des hydrocarbures du Turkémistan dont les deux pays avaient cruellement besoin pour combler leur ressource énergétique. La prise de Kaboul par les talibans le 27 septembre 1996 sera à la fois un soulagement pour les habitants mais une menace pour l’Occident qui voit en cette victoire une radicalisation de l’idéologie anti-occidentale et du trafic de drogue. Contrôlant près du deux tiers du pays sauf la partie nord-est protégée par les troupes du commandant Massoud et du général Dostom, où des combats violents se déroulèrent régulièrement.

La dernière partie du second chapitre semble être un amalgame d’idées peu structuré sur un militantisme contre l’Occident ; cette partie est décousue et aurait nécessité un traitement plus détaillé pour tenir compte des nuances et mettre en perspective les raisons qui sont à l’origine de cette idéologie politique. Le troisième chapitre est une biographie sur Oussama Ben Laden fondée principalement sur des articles de presse et des documents ‘Internets’. Il s’agit d’un cursus de vie assez banal où les différentes influences qui ont façonnées la pensée de Oussama sont identifiées. À commencer par un père, très travailleur, qui réussit à se faire un nom pour ses habiletés dans la construction civile (routes, hôpitaux, aéroports, mosquées, etc.) dans la péninsule Arabique. Oussama a suivi un cursus séculier ainsi que des cours sur l’islam donnés ‘Abd Allâh Azzam, organisateur du jihâd afghan, et Sayyid (Muhammad) Qutb, philosophe.

La seule critique concernant l’ensemble du livre est que le nombre des sources consultées est limité, l’auteur se fie principalement au livre de John K. Cooley (Unholy Wars : Afghanistan, America and International Terrorism, London : Pluto Press, 1999) pour bâtir son chapitre et articuler ses idées, il n’y a pas d’analyse critique [407] des sources. De plus, il consolide ses arguments en citant parfois le livre de Gilles Kepel, Jihad : expansion et déclin de l’islamisme, Paris, Gallimard, 2000.

 


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