Religiologiques
vol. 26 (2003): 299-300.
Sami A., ALDEEB ABU-SAHLIEH, 2002, Cimetière
musulman en Occident: Norme juives, chrétiennes et musulmanes, Paris,
L'Harmattan.
L'auteur est un chrétien arabe d'origine palestinienne, il est
responsable du droit arabe et musulman à l'Institut suisse de droit comparé à
Lausanne. Il est aussi l'auteur de nombreux articles et ouvrages dans son champ
d'expertise. Ce livre est divisé en deux parties: la première partie concerne
la division de la société musulmane et la seconde la problématique des cimetières
musulmans en Occident, plus particulièrement en Suisse.
La première partie est un survol
introductif du droit classique musulman qui divise les communautés religieuses
selon des critères bien établis: les musulmans et les non-musulmans, ainsi que
les différentes nuances qui caractérisent cette séparation. Cette partie est
certes importante, mais manque parfois un peu de raffinement, de plus il ne
s'agit pas non-plus d'un critère universel et systématique qui régit l'ensemble
des musulmans; certains croyants sont moins rigides que d'autres. L'image qui
ressort de cette première partie est celle des musulmans les plus littéralistes
du Qur’ân et pourtant depuis le tout début de l'islâm, les musulmans avaient
des tendances variées et des controverses houleuses existaient à l'intérieur de
la communauté pour mieux cerner les versets du Qur’ân et les maximes du
Prophète Muhammad. L'auteur donne donc une image incomplète et réduite de la
pluralité en faveur d’une expression monolithique d'un islâm légal.
La seconde partie est certainement plus intéressante car elle met en perspective les difficultés des musulmans occasionnées par différents problèmes de normes civiles — de certains pays européens et plus précisément la Suisse — qui régissent les cimetières. Comme les autorités fédérales suisses n'ont établi qu'un principe général en matière de cimetière, stipulant que l'autorité civile a le droit de disposer des lieux de sépulture et doit pourvoir à ce que toute personne décédée puisse être enterrée décemment (p. 32). L'interprétation de cet article de loi a été la source de nombreux litiges entre les cantons, les communes et les communautés religieuses.
L'absence de cimetières réservés aux musulmans cause souvent des difficultés inhérentes à la pratique de la foi qui diffère des autres religions: la direction des tombes vers la Mecque, la manière d'enterrer les morts, etc. À ces particularités s'ajoutent le non-respect du délai de temps accordé pour inhumer les morts et certaines pratiques courantes dans certains pays comme l'incinération et la désaffectation des tombes après un certain nombre d'années; ces dernières sont considérées comme irrespectueuses des traditions religieuses et violent le principe de liberté religieuse (p. 31).
Bien que le transfert des défunts
d'une région à l'autre soit peu encouragé, certains musulmans en Europe
transfèrent les corps des défunts dans leurs pays natals pour éviter d'être
enterré dans un cimetière non-musulman, car pour eux le cimetière est un lieu
sacré et chaque musulman sera appelé à la résurrection au jour du jugement
dernier (pp. 43, 85).
Ce petit livre contient une foule
d'informations, certaines d'entre elles nous donnent une meilleure
compréhension de ce rituel, alors que d'autres semblent parfois superflues,
rapportant certains propos peu partagés par tous les musulmans et en exposant
des positions extrêmes pour séparer radicalement le monde laïc du religieux.
Toutefois, il faut noter que les mondes laïc et religieux peuvent cohabiter en
partageant et en se respectant mutuellement. En comparant les trois traditions
religieuses, l'auteur situe la problématique de ce sujet fort délicat dans une
perspective plus élargie.
Diane Steigerwald
Religious Studies, California State University (Long Beach)
http://www.unites.uqam.ca/religiologiques/no26/26recension.html